dimanche 11 décembre 2011

► ITINERAIRES (2005)


Réalisé par Christophe Otzenberger ; écrit par Roger Bohbot, Vincent Hirsh et Christophe Otzenberger.


 … Par le biais du regard


Quelque part, la nuit, au bord d’une autoroute, quelqu’un a le regard fixe, un regard dur qui se perd dans le vague…Ce quelqu’un c’est Thierry (Yann Tregouët), jeune homme dont nous allons suivre l’errance. Errance déjà en latence dans ce début, au loin des voitures indistinctes, déjà l’idée de la route, déjà l’être stoïque et sa solitude et première occurrence de ce regard en biais vers lequel un lent travelling avant tente de s’approcher sans jamais en percer la fixité.

Une dispute tourne mal et un drame se produit, déclencheur indirect Thierry ne se dérobe pas et comme happé par la volonté d’assumer cette responsabilité, il accepte la prison. Sa détermination passe par son regard qui se fige, ici commence son voyage, ici se brise la ligne droite, ici s’emprunte un autre itinéraire qui n’aura alors de cesse de le jeter sur les routes. Le passage en prison est traité sur le mode elliptique car l’important c’est bien la décision qu’il a prise : assumer le geste meurtrier de son camarade lors de la dispute inaugurale et le refus par la suite de retourner en prison pour quelque chose qu’il n’a pas fait. 

En effet, commence alors sa fuite pour avoir été là où il ne fallait pas quand il ne fallait pas…Personnage en marge, Thierry ne semble pourtant aspirer qu’à une vie stable, la halte qu’il fait dans une brasserie où il devient l’aide du patron est une pause dans sa course. On pense au cinéma des frères Dardenne à travers cette plongée dans un microcosme social au plus près de personnages eux-mêmes perdus dans la grisaille d’une existence morne. Cette rencontre avec Thierry, dont ils ne savent rien, va égayer leur vie avant de la faire de nouveau sombrer. Ainsi s’attache t’il à une fille qui cultive sa mauvaise réputation, jeu des apparences, qu’elle maîtrise, au contraire de Thierry qui a les apparences contre lui.

Solitaire au regard impénétrable, au comportement tantôt doux, tantôt rageur tel le personnage de la vagabonde Sandrine Bonnaire dans  Sans toit ni loi d’Agnès Varda (1985), c’est dans un itinéraire poignant qu’il nous entraîne et qu’il nous sème aussi à travers le plan de ce regard en biais qui ponctue ses avancées et qui nous interpelle en restant muet. Chaque personnage marque une borne dans ce trajet, comme l’inspecteur (Jacques Bonnaffé), sorte de Javert déterminé à arrêter le fuyard avant de comprendre, là où tout à commencer, la fragilité des apparences. L’itinéraire n’en n’est qu’à son début, le temps du passage du film Thierry nous marque de son regard opaque et le simple mais saisissant dernier plan déploie ses lignes amères.

Romain Faisant, écrit le 27/02/06

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