mardi 27 décembre 2011

► LE PETIT LIEUTENANT (2004)

de Xavier Beauvois ; écrit par Xavier Beauvois, Guillaume Breaud, Jean-Eric Troubat.




…L’incertitude de l’existence.

                                                
L’incertitude s’impose dès le début du film et surplombe la destiné des personnages, elle dépose son empreinte et marque l’histoire comme on marque au fer rouge. Elle est déjà avant même le commencement visuel, et elle ne cessera ensuite plus de l’être. En effet, c’est de l’écran noir du générique que s’élève un brouhaha, qu’on perçoit des voix (…voies) indistinctes, confuses, plurielles. Ce sont les élèves de la promo de l’école de police qui viennent de réussir leur concours.

Notre petit lieutenant (Jalill Lespert) est parmi eux et sa désignation  s’engendre  elle aussi par une empreinte qui le pré-détermine, à savoir la périphrase du titre. Deux mots qui contiennent sa fonction (lieutenant) et un adjectif (petit) qui prendra très vite une valeur affectueuse. Première apparition donc et après une incertitude sonore, succède une incertitude narrative : selon son classement, pourra-il choisir l’affectation qu’il souhaite ? La contingence, motif fondamental du film, auquel la fin renverra particulièrement  par une accroche aussi inattendue que percutante pour le spectateur…

On pense bien sûr à  Police (1985) de Pialat, la démarche est la même. On suit la routine d’une équipe au travail avec les interpellations, les interrogatoires, les bavardages au bar du coin autour d’un verre…S’entrechoquent les joies et les peines, les blessures qui ressurgissent, comme celles du commandant Vaudieu (Nathalie Baye), qui choisit le petit lieutenant, tantôt forte, tantôt toute en fêlure.

Un quotidien peu palpitant que la jeune recrue vit pourtant avec enthousiasme. Cette histoire de Russes et de vendange n’a rien pour susciter l’émoi du spectateur  et pourtant on se prend d’attention pour l’enquête, les personnages portent cet intérêt qui fait que l’histoire nous accroche. La caméra n’est pas mouvante comme celle des frères Dardenne et pourtant elle nous plonge au cœur de ce que vivent ceux que nous voyons sur l’écran, on est tout aussi partenaire du petit lieutenant que peuvent l’être ses collègues et on devient même autre chose que spectateur lors du dernier plan, on devient littéralement interlocuteur.

Par un regard caméra de Vaudieu, par un regard empli du poids d’une inconstance mélancolique, entre tristesse et désespoir, s’exprime cette adresse au spectateur, à cet ailleurs du film (voir la fin des  400 coups  de Truffaut, 1959 et celle de Police). Le brouhaha est devenu vagues qui s’échouent, vague à l’âme. Il n’y pas de musique dans le film, seul la sonorité des êtres, seul le choc de l’incertitude d’un regard aux côté d’une mer aux remous amers…

Romain Faisant, écrit le 12/12/05

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