mardi 20 décembre 2011

► RED ROAD (2006)

Écrit et réalisé par Andrea Arnold




...L'intrusion progressive


Un femme : Jackie (Kate Dickie), regarde une multitude d’écrans de surveillance, elle est une de ces employés de la ville de Glasgow qui scrute la vie des passants afin de prévenir le moindre incident. Evidemment, ce face à face avec les écrans nous plonge dans notre propre situation de spectateur-voyeur qui est pour l’instant cautionnée par le dispositif, car il y a l’alibi du personnage. En effet, le regard du spectateur est assujetti à celui de Jackie et atténue ainsi la perversité du  nôtre avant que la fin ne nous y renvoie...

L’observatrice a également une caution morale à toute épreuve puisqu’elle est là pour protéger, par le biais de la télésurveillance, les passants. Mais comment résister à une dérive voyeuriste qui se manifeste même malgré soi car inhérente au statut même du travail effectué. Toujours au plus près du regard de la protagoniste, scrutant ces yeux qui scrutent, la réalisatrice crée d’emblée une atmosphère où affleure un érotisme discret, à fleur de peau, à fleur de pupilles.


L’intrusion professionnelle dans la vie de ceux qu’elle regarde va basculer et devenir une intrusion privée lorsqu’elle reconnaît un homme responsable d’un drame qui la touche personnellement. Il y a alors franchissement du medium vidéo et confrontation avec l’univers réel d’un quartier qu’elle n’a connu que par procuration. C’est ainsi de façon très progressive et de plus en plus anxiogène que Jackie va s’insinuer de façon trouble dans la vie de l’homme qu’elle a reconnu. Tout d’abord en l’appelant sur son portable (contact vocal) puis en le suivant (contact visuel) puis en l’abordant (contact physique). Ce rapprochement va de pair avec un crescendo géographique : des écrans de contrôle au quartier, puis à l’appartement, et enfin à la chambre de l’homme.


Jackie est prête à sacrifier sa chair pour arriver au but qu’elle s’est fixée. Cette plongée dans une intimité est malsaine et perverse, elle est dictée par l’esprit de vengeance d’un personnage qui passe ses journées à repérer des gens alors qu’elle-même s’est depuis longtemps perdue...


Le duel sera physique lors de cette scène d’abandon, au plaisir des sens pour l’homme, à celui de la vengeance pour elle. Les corps baignent dans cette lumière rouge, tantôt réchauffante, tantôt angoissante qui plane sur tout le film comme un interminable coucher de soleil, un impossible levant...Et l’écran de surveillance reviendra, Jackie ne le regarde plus et c’est seul que nous y faisons face, plus d’alibi, plus de caution, notre intrusion à nous, plein cadre, persiste...


Romain Faisant, écrit le 18/12/2006

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