mardi 27 décembre 2011

► VERS LE SUD (2005)


De Laurent Cantet ; écrit par Laurent Cantet et Robin Campillo, d’après l’œuvre de Dany La- ferrière.




… Décor de corps 


A la manière du red herring du début de Lost in translation (Sofia Coppola, 2003) le film commence par l’image d’une jeune fille, objet de désir charnel, qui ne sera justement pas le propos du film. Ici il s’agit de femmes, et de femmes plutôt dans la fleur de l’âge et de l’attention de leur désir qui se porte sur les corps d’adonis noirs, là-bas, au Sud, dans les îles, au début des années 70. Tous les étés, elles se retrouvent sur ces plages et s’offrent les faveurs de ces hommes avec qui elles ont fini par nouer une vraie relation, relation d’amour ou de chair ? Ellen (Charlotte Rampling) dit ne plus bien savoir où se situer, la suite apportera la réponse, de façon cynique et dramatique.

Chacune a son préféré, son désigné, il s’agit de Legba (Ménothy César) pour Ellen, jeune homme dévoué sur la route de l’indépendance…Il nous apparaît pour la première fois de dos, étendu sur la plage, préfigurant son état à venir. Brenda (Karen Young) revient après trois ans sur cette plage pour retrouver Legba avec qui elle a éprouvé tardivement ses premiers réels émois. Le jeune homme exacerbe alors les émotions d’Ellen qui voit son favori, son rendez-vous de chaque été lentement lui échapper, et sa bonne humeur de devenir cynisme et agressivité.

Calme dans son rythme, avant un emballement final, matérialisant le basculement en latence, l’envers du décor paradisiaque, l’au-delà de la plage, la ville et ses dangers. Le film s’entrecoupe de moments de pauses, de confession face caméra, mais sans un regard insistant, ce qui renforce l’idée d’un partage intime, doux et presque mélancolique dans son propos tout comme dans sa mise en scène, comme ce très lent travelling vers le visage de Brenda. Comme ces dames, l’on ignore finalement cet ailleurs de la plage, cet autre part des corps quand ils quittent ce cocon au gardien amer (le responsable de l’hôtel), tout juste entrera-t-on brièvement dans une trouble intrigue entourant le finalement inconnu Legba…

Et l’issue laissera les deux femmes, les deux rivales aux antipodes l’une de l’autre, c’est bien de l’amour que ressentait Ellen pour Legba, et c’est hagarde qu’elle s’en ira lors d’un plan qui marquera sa descente, quand elle disparaîtra en empruntant les escaliers de l’aéroport, retournant vers son quotidien morne, vers ce que lui aura révélé les désaccords sur un corps. Brenda s’en trouve au contraire ravivée, voire rayonnante dans ses nouvelles envies qu’a conforté son retour et ses retrouvailles avec Legba, désormais c’est épanouie qu’elle poursuit son voyage vers le sud… 

Romain Faisant, écrit le 06/02/06

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