mardi 6 mai 2014

► LAST DAYS OF SUMMER (2014)

Écrit et réalisé par Jason Reitman, d'après l’œuvre de Joyce Maynard.


... Cicatrisations


Le réalisateur canadien Jason Reitman aime situer ses histoires dans les petites villes de province américaine, l’adaptation du roman de Joyce Maynard (Labor Day, titre original du film), lui offre à nouveau cette opportunité. Dans le New Hampshire, Henri, 13 ans, vit seul avec sa mère dans la maison familiale. Cette dernière, dépressive depuis son divorce, vit quasi recluse. Henry fait tout pour lui rendre la vie plus agréable jusqu’à l’intrusion dans leur pâle existence d’un fugitif qui va s’installer à demeure. Si le film se donne le ton d’une comédie dramatique, c’est pour mieux s’en détourner et s’installer durablement dans la romance, celle de deux êtres au passé suintant la douleur que les circonstances rapprochent inexorablement. Le réalisateur de Juno (2007) met ainsi en place une relation triangulaire dans la douceur finissante de l’été avec finesse, sensibilité et sérénité. Cette séduisante utopie estivale, sans arme, ni haine, ni violence ravive la chaleur des sentiments chez des personnages à un tournant.


Que l’apparition de Franck (Josh Brolin) se fasse alors qu’Henry (Gattlin Griffith) regarde des bandes dessinées de super-héros est un clin d’œil ironique puisque cet homme en cavale a au contraire tout de l’anti-héros : condamné à 18 ans de prison pour meurtre, il prend en otage une femme fragile et son fils. Mais tout est déjà dans la retenue et la suggestion (une main ferme sur la nuque d’Henry, une voix assurée et tranquille), le déroulement de cette scène (au milieu d’un univers quotidien et des clients de la supérette) révèle ce qui sera la constance du propos comme de la mise en scène : calme et douceur passionnelle derrière la façade des faits. Situer une histoire dans un temps particulier n’est pas non plus anodin, les derniers éclats de cette saison (récurrence des rayons solaires jouant avec les feuilles des arbres) sont autant d’échos à la transition qui éclot dans la vie d’Adèle (touchante Kate Winslet, traits marquées et visage au diapason des émotions) et de son fils. Le simulacre des mains attachées ne durera qu’une nuit, pour préserver les apparences, ces liens matériels ne sont plus utiles puisque d’autres, sentimentaux, sont déjà à l’œuvre. La scène où Franck donne à manger à Adèle fonde cette relation naissante et fulgurante. « Je suis là pour te sauver » lui dira-t-il d’ailleurs. Faisant ainsi, par opposition, un renvoi à la notion d’anti-héros qu’avait auguré son arrivée.


Mettant le lyrisme au premier plan, Jason Reitman maintient néanmoins un semblant de menace, mais celle-ci est toujours extérieure (patrouilles de police, journaux, bulletins télévisés), la maison et son jardin, à l’abri des regards deviennent un cocon où chacun s’ouvre et retrouve une idée du bonheur. « Prenez le temps de cicatriser » lui demandent la mère et le fils, prenant le prétexte de la blessure de Franck pour le faire rester. L’histoire ne se déroule que sur quelques jours et joue volontiers de l’ellipse en ce qui concerne cette foudroyante passion entre Adèle et Franck (leurs longues conversations menées nuitamment nous resteront sourdes)  et cela renforce précisément cette sensation d’intimité forte qui les lie et qui appartient au mystère de l’alchimie amoureuse. Henry (qui est le narrateur) est le témoin de ce rapprochement soudain et la question de son positionnement se posera. En effet, le fils, devenu l’homme de la maison, le début y insiste, peut légitimement se sentir exclu et voir Franck comme un adversaire (il prend le relais et s’occupe désormais de tout dans la maison), surtout quand l’une de ses amie instille le doute dans son esprit.


La réalisation, aux images lumineuses, donne de l’ampleur au présent en entrelaçant ces moments amoureux et conviviaux avec de courtes saynètes muettes et énigmatiques appartenant au passé. Créant du relief à cette histoire vécu dans l’instant, ces flashs (dont on découvrira plus tard à qui ils font référence) rappellent en creux que l’on ne sait rien du passé d’Adèle et de Franck. Cette rencontre et cette vie à l’insu de tous (Franck est toujours recherché), choyée, préservée (mais peut-elle exister en dehors du foyer ?), fera ressurgir les douleurs enfouies et ramènera chacun à sa propre histoire et à la volonté de faire exister l’avenir. Le trio a ainsi son importance car Franck, Adèle et Henry vont ensemble faire cette expérience de la fin et du renouveau (situation symbolique d’Henry qui entame son adolescence) dans cette ambiance tendre et cotonneuse où la simplicité devient une preuve de vie.

01/05/14          

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