Écrit et réalisé par Jason Reitman, d'après l’œuvre de Joyce Maynard.
... Cicatrisations
Le réalisateur canadien Jason
Reitman aime situer ses histoires dans les petites villes de province
américaine, l’adaptation du roman de Joyce Maynard (Labor Day, titre original du film), lui offre à nouveau cette
opportunité. Dans le New Hampshire, Henri, 13 ans, vit seul avec sa mère dans
la maison familiale. Cette dernière, dépressive depuis son divorce, vit quasi
recluse. Henry fait tout pour lui rendre la vie plus agréable jusqu’à
l’intrusion dans leur pâle existence d’un fugitif qui va s’installer à demeure.
Si le film se donne le ton d’une comédie dramatique, c’est pour mieux s’en
détourner et s’installer durablement dans la romance, celle de deux êtres au passé
suintant la douleur que les circonstances rapprochent inexorablement. Le
réalisateur de Juno (2007) met ainsi
en place une relation triangulaire dans la douceur finissante de l’été avec
finesse, sensibilité et sérénité. Cette séduisante utopie estivale, sans arme,
ni haine, ni violence ravive la chaleur des sentiments chez des personnages à
un tournant.
Que l’apparition de Franck (Josh
Brolin) se fasse alors qu’Henry (Gattlin Griffith) regarde des bandes dessinées
de super-héros est un clin d’œil ironique puisque cet homme en cavale a au
contraire tout de l’anti-héros : condamné à 18 ans de prison pour meurtre,
il prend en otage une femme fragile et son fils. Mais tout est déjà dans la
retenue et la suggestion (une main ferme sur la nuque d’Henry, une voix assurée
et tranquille), le déroulement de cette scène (au milieu d’un univers quotidien
et des clients de la supérette) révèle ce qui sera la constance du propos comme
de la mise en scène : calme et douceur passionnelle derrière la façade des
faits. Situer une histoire dans un temps particulier n’est pas non plus anodin,
les derniers éclats de cette saison (récurrence des rayons solaires jouant avec
les feuilles des arbres) sont autant d’échos à la transition qui éclot dans la
vie d’Adèle (touchante Kate Winslet, traits marquées et visage au diapason des
émotions) et de son fils. Le simulacre des mains attachées ne durera qu’une
nuit, pour préserver les apparences, ces liens matériels ne sont plus utiles
puisque d’autres, sentimentaux, sont déjà à l’œuvre. La scène où Franck donne à
manger à Adèle fonde cette relation naissante et fulgurante. « Je suis là pour te sauver »
lui dira-t-il d’ailleurs. Faisant ainsi, par opposition, un renvoi à la notion
d’anti-héros qu’avait auguré son arrivée.
Mettant le lyrisme au premier
plan, Jason Reitman maintient néanmoins un semblant de menace, mais celle-ci
est toujours extérieure (patrouilles de police, journaux, bulletins télévisés),
la maison et son jardin, à l’abri des regards deviennent un cocon où chacun
s’ouvre et retrouve une idée du bonheur. « Prenez
le temps de cicatriser » lui demandent la mère et le fils, prenant le
prétexte de la blessure de Franck pour le faire rester. L’histoire ne se
déroule que sur quelques jours et joue volontiers de l’ellipse en ce qui
concerne cette foudroyante passion entre Adèle et Franck (leurs longues
conversations menées nuitamment nous resteront sourdes) et cela renforce précisément cette sensation
d’intimité forte qui les lie et qui appartient au mystère de l’alchimie amoureuse.
Henry (qui est le narrateur) est le témoin de ce rapprochement soudain et la
question de son positionnement se posera. En effet, le fils, devenu l’homme de
la maison, le début y insiste, peut légitimement se sentir exclu et voir Franck
comme un adversaire (il prend le relais et s’occupe désormais de tout dans la
maison), surtout quand l’une de ses amie instille le doute dans son esprit.
La réalisation, aux images
lumineuses, donne de l’ampleur au présent en entrelaçant ces moments amoureux
et conviviaux avec de courtes saynètes muettes et énigmatiques appartenant au
passé. Créant du relief à cette histoire vécu dans l’instant, ces flashs (dont
on découvrira plus tard à qui ils font référence) rappellent en creux que l’on
ne sait rien du passé d’Adèle et de Franck. Cette rencontre et cette vie à
l’insu de tous (Franck est toujours recherché), choyée, préservée (mais
peut-elle exister en dehors du foyer ?), fera ressurgir les douleurs
enfouies et ramènera chacun à sa propre histoire et à la volonté de faire
exister l’avenir. Le trio a ainsi son importance car Franck, Adèle et Henry
vont ensemble faire cette expérience de la fin et du renouveau (situation
symbolique d’Henry qui entame son adolescence) dans cette ambiance tendre et
cotonneuse où la simplicité devient une preuve de vie.
01/05/14
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