mardi 14 juillet 2015

► TERMINATOR GENISYS (2015)

Réalisé par Alan Taylor ; écrit par Laeta Kalogridis et Patrick Lussier


... L'affrontement générationnel

Cette année marque un retour aux sources pour de célèbres sagas cinématographiques : il y a quelques semaines, Georges Miller faisait resurgir de l’enfer sableux son tonitruant Mad Max (dont les aventures avaient commencé en 1979) et puis évidemment, dans 6 mois, tous les écrans du monde changeront de galaxie pour accueillir l’évènement stellaire que sera le nouveau Star Wars (le premier film datant de 1977). Terminator Genisys s’inscrit donc dans ce mouvement qui ravive des figures de fiction appartenant à la mémoire collective. Inaugurée en 1984 et portée par Arnold Schwarzenegger, la saga du T-800 (modèle de la machine qu’il incarne) en est donc à son cinquième opus. Si le diptyque réalisé par James Cameron est resté culte, les deux suites ont moins fait l’unanimité, la dernière en date, Terminator Renaissance (2009) ayant même maladroitement privilégiée comme héros un personnage inconnu (Marcus Wright) sans lien avec la mythologie de la saga. Alan Taylor, ayant récemment acquis ses galons de réalisateur de blockbusters après s’être occupé de Thor : le monde des ténèbres, semble avoir compris les défauts dont avaient hérité les derniers films. En effet, la genèse contenue dans le titre laissait augurer d’un récit des origines et tel est bien le cas, mieux : c’est à une réunion de famille que ce Terminator Genisys nous convie et qui ne pouvait être complète qu’avec la réapparition de son icône métallique, un Schwarzenegger libéré de ses fonctions politiques. Là où Terminator Renaissance se déroulait dans le futur autour du combat face aux machines, le film d’Alan Taylor nous ramène vers ce passé où l’ordinateur Skynet  ne s’est pas encore émancipé des humains. Sarah Connor, son fils John et Kyle Reese, père de ce dernier, vont se croiser dans le temps pour tenter d’empêcher un avenir robotique et mortifère sans savoir que la menace est parmi eux…


« Je suis vieux mais pas obsolète ! » lancera à plusieurs reprises celui que Sarah Connor (Emilia Clarke) appelle désormais « Papy » ! Le Terminator a le visage familier de l’acteur (qui va avoir 68 ans) et le scénario s’amuse de la question de l’âge et sur l’opportunité d’incarner à nouveau ce personnage qui l’a rendu célèbre. Alan Taylor se sert intelligemment d’un constat réel pour en faire un effet de second degré qui va de pair avec le côté pince-sans-rire du T-800. On le verra même vieilli au grès des basculements temporels. De nombreuses références aux films précédents émaillent l’histoire et l’une des plus fortes sera la confrontation entre le Terminator vieillissant et son propre modèle jeune (celui du premier film) avec le visage d’époque de Schwarzenegger. Ce duel qui présente les personnages pose ainsi la question de la génération à travers ce que chacun a été, est et sera. Sarah et Kyle (Jai Courtney) sont hantés par des souvenirs de leur enfance, qui se confond avec le présent, l’enfant que Kyle fut se trouvant dans l’époque où ils agissent. Les liens maternels et paternels prennent d’ailleurs une vraie place dans Terminator Genisys : Sarah se retrouve face pour la première fois à son fils devenu le chef de la résistance tandis que Kyle apprend que John n’est autre que son père (ce que les films précédents avaient fait comprendre). Le deuxième opus mettait l’accent sur la relation  entre le jeune John et la machine venue le protéger (trouvant en elle un père de substitution), ce nouvel épisode privilégie l’entente affectueuse entre Sarah et le T-800. Même si ce dernier n’est pas conçu pour éprouver des sentiments, on sent l’attachement mutuel : « Protège ma Sarah ! » demandera-t-il à Kyle lors d’un moment périlleux. Le film renoue avec l’intime familial et Skynet ne s’y trompe pas en infiltrant le cœur de cette lignée.


Film de son temps, Terminator Genisys fait de Skynet une application qui corrompra tous les appareils connectés. « C’est le monde d’aujourd’hui, ils accueillent leur extinction à bras ouverts sans le savoir » constate Papy. En effet, à force de rendre indispensable les appareils numériques (ordinateurs, tablettes, smartphones), l’humain s’est rendu vulnérable et le nouveau Messie est une intelligence artificielle dont les premiers mots sont reçus avec admiration par une foule conquise. Le T-800 est un symbole vintage qui a encore une poigne d’acier et ses combats avec le T-1000 (fait de métal liquide comme dans le deuxième film) le prouveront. Mais à l’heure de l’évolution technologique et des pirates informatiques, il fallait un modèle plus redoutable qui s’affranchit de l’exosquelette pour n’être plus qu’un amas de particules métalliques à forme humaine. Et qui surtout est le résultat d’une contamination entre une machine et un humain, ouvrant un nouveau champ des possibles, transformant la filiation d’une famille touchée en son sein et par là l’évolution de l’espèce. Alan Taylor a ainsi réussi à s’approprier la saga en revenant aux fondamentaux, tout en faisant évoluer la mythologie vers des situations inédites (on voit la machine à remonter le temps pour la première fois) et posant d’autres questions. Le spectaculaire, très bien maîtrisé, ne prend jamais le pas sur les personnages qui sont toujours au centre d’une action haletante : ils sont à la fois l’effet et la cause de situations bouleversées par les voyages temporels. La transmission humaine des valeurs est peut-être alors le seul vestige pour survire au futur…

Publié sur Le Plus du NouvelObs.com 
04/07/15       

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