lundi 7 décembre 2015

► 007 SPECTRE (2015)

Réalisé par Sam Mendes ; écrit par John Logan, Neal Purvis et Robert Wade


... Mission post-mortem


Sam Mendes avait célébré les 50 ans de la saga de l’agent secret ayant survécu à toutes les époques avec le crépusculaire Skyfall qu’il avait brillamment réalisé. Cet opus était le troisième depuis le renouveau de la franchise opéré avec Casino Royale et l’arrivée de Daniel Craig dans les habits de l’espion britannique. Pour sa première collaboration à l’une des séries de films les plus longues de l’histoire du cinéma, le réalisateur anglais avait eu la lourde tâche de mettre en scène des bouleversements conséquents  dont les répercussions se font directement ressentir dans Spectre. L’aventure précédente touchait les Services Secrets en leur cœur (on se souvient de la scène de l’explosion du quartier général devant les yeux stupéfaits de M) et nous faisait mieux connaitre l’espion intrépide en évoquant son enfance en Écosse. C’était dans des circonstances tragiques que le passé et le présent se percutaient, aboutissant à la mort de M (Judi Dench quittait un personnage qu’elle avait joué 7 fois, les numérologues apprécieront). Un moment marquant qui restera parmi les scènes mémorables de la saga.  Le supérieur de Bond redevenait alors un homme (Ralph Finnes), Moneypenny (Naomie Harris) faisait son grand retour après avoir été absente de Casino Royale et Quantum of Solace et Q (Ben Whishaw) prenait un sérieux coup de jeune. Tous ces personnages prennent du galon dans Spectre : il est loin le temps où Bond ne les croisait que dans les bureaux feutrés du MI-6 ; leur participation active, inaugurée dans le film précédent, se poursuit dans ce qui est une mission post-mortem. En effet, un message de la défunte M met Bond sur la piste de la plus redoutable des organisations mondiales : le SPECTRE, un acronyme qui en révèle l’aspect fantomatique et insaisissable. Quand Bond découvre que tous ses ennemis récents en étaient membres : trouver et éliminer la tête de la pieuvre (leur symbole) devient l’objectif. Avec un dynamisme et un plaisir intact, Sam Mendes continue de revisiter la mythologie bondienne en y apportant morceaux de bravoures et éléments pertinents. Le film est fluide et impeccable, il décline le thème de la mort pour mieux provoquer une impulsion nouvelle.

Avec Spectre, il apparait que les 4 films sous l’ère Daniel Craig (qui maîtrise toujours autant sa prestation) forment un tout qui fonctionne comme un jeu de miroir, le forcément très graphique générique d’ouverture en distille d’ailleurs des indices. Sur une chanson de Sam Smith, un James Bond incandescent côtoie d’inévitables et graciles silhouettes féminines mais surtout des visages familiers comme M, le Chiffre ou Raoul Silva, méchant du dernier opus. En plus de donner sous forme esthétique et symbolique des éléments constitutifs à venir, le générique de Spectre, comme le film lui-même, tisse des liens avec le passé de Bond. La peau enflammée de l’agent secret lui confère l’aspect du phénix, ce qui sied bien à cet agent qui toujours se relève des pires assauts. L’iconographie mêle ainsi la renaissance et la mort et annonce un film qui se construit sur les cendres encore chaudes de Skyfall. Peu de temps semble s’être écoulé depuis les événements tragiques de l’opus précédent : la façade éventrée du MI-6 surplombant la Tamise en témoigne. Les plaies sont encore vives. Moneypenny transmet d’ailleurs à Bond ses effets personnels provenant de la fournaise du manoir familial. La séquence pré-générique (dans un plan-séquence emballant) participe de cette ambiance mortuaire puisqu’elle met en scène la fête des morts au Mexique avec son défilé endiablé. Avec toute l’ironie qui est la sienne, James Bond arbore un masque et une tenue de squelette (lui qui s’était fait passer pour mort dans On ne vit que deux fois) : une parure en trompe l’œil qui met en exergue les deux facettes d’un même personnage : sous le masque de la mort, la vie, et vice-versa. « C’est ce qui s’appelle avoir une vie, vous devriez essayer » lui lance d’ailleurs Moneypenny quand Bond devine qu’elle entretient une relation amoureuse. Car Spectre, comme le déguisement inaugural, convoque les défunts (il sera même question de Vesper, la grande tragédie amoureuse de l’agent secret qu’Eva Green avait joué dans Casino Royale) mais célèbre les vivants : les percussions et l’engouement de la foule rendent le défilé tonique et non funeste. Dans une scène spectaculaire au-dessus de cette assemblée, l’espion conjure d’ailleurs la mort à bord d’un acrobatique hélicoptère.

« Vous êtes comme un cerf-volant dans un ouragan » : voilà Bond mis en garde par un ennemi déjà croisé lors de films précédents. Il est vrai que l’homme, comme le service auquel il appartient, est en pleine tempête. D’une part l’agent rebelle est mis à pied par M (comme dans Permis de tuer) qui doit lui-même gérer une fusion des services condamnant les agents « double zéro ». C’est à la française Léa Seydoux que revient l’honneur d’accompagner James bond dans sa quête, répondant au doux nom de Madeleine Swann, elle se montre très à l’aise dans ce rôle envié. Convaincante face à Daniel Craig, comme dans la savoureuse scène du train où son personnage démontre sa connaissance des armes, l’actrice joue les recours glamour (il faut la voir tirer sur l’ennemi en robe de soirée saillante !). « Plus réussi est le méchant, meilleur est le film » : la phrase d’Hitchcock s’adapte parfaitement à la saga James Bond qui repose sur des codes et des archétypes. A chaque film, son adversaire. Mais il en est un qui a traversé la saga, véritable Némésis de Bond, Blofeld (apparu pour la dernière fois dans Les diamants sont éternels) resurgit dans Spectre sous les traits de Christoph Waltz. L’acteur (qui avait exercé ses talents de colonel sadique dans Inglourious Basterds) compose un antagoniste exquis, aussi élégant que machiavélique. La lutte avec le cerveau ultime se devait d’être aussi explosive que surprenante. Sam Mendes parvient, à l’intérieur de ce cadre qu’est la franchise, à provoquer stupeur et tremblements en confrontant James Bond au pourvoyeur de mort le plus implacable qu’il ait rencontré. Car si les scènes d’actions (aussi bien dans la neige que sur la Tamise) sont impressionnantes, c’est bien encore le destin intime du héros, entamé avec Casino Royale, qui étonne en trouvant dans les ruines de Spectre une révélation et un accomplissement.

Publié sur Le Plus de L'Obs.com

11/11/15  

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