mercredi 1 mars 2017

► TRAINSPOTTING 2 (2017)

Réalisé par Danny Boyle ; écrit par John Hodge, d'après l’œuvre d'Irvin Welsh


... Choisir le souvenir


Il y a 20 ans, le réalisateur britannique Danny Boyle marquait toute une génération de spectateur avec son décapant et explicite Trainspotting qui suivait les destinés à la fois drôle et tragique d’un petit groupe d’amis accrocs à l’héroïne et aux problèmes en Écosse. Classé 10ème meilleur film britannique de l’histoire du cinéma par le très vénérable BFI (British Film Institute), le film consacre l’acteur Ewan McGregor et son réalisateur. Deux décennies plus tard, l’ensemble du casting original est de retour pour un Trainspotting 2 forcément attendu au tournant. Si certain réalisateur se sont spécialisé dans les suites de leur propres films (James Cameron va tourner pas moins de 4 suites à Avatar !), c’est une première pour Danny Boyle dont ce film marque également, à peu de chose près, les 20 ans de carrière. Revenir ainsi vers ce qui était alors seulement son deuxième film n’est donc pas anodin. Car regarder dans le rétroviseur de ses personnages, c’est se retourner aussi sur sa propre filmographie où le thème de l’argent est une constante : il faisait basculer la fin du premier Trainspotting et sera au cœur de la vengeance de ce second opus. Paradoxalement, alors que les conflits liés à l’argent étaient ce sur quoi le britannique aimait travailler, c’est pour une histoire de gros sous que lui et Ewan McGregor (qui avait à l’époque joué dans ses trois premiers films) se seraient brouillés il y a plus de 15 ans ! (à cause du rôle principal de La plage, promis à McGregor et finalement attribué à DiCaprio). Si la réconciliation a eu lieu en coulisse, elle sera tout l’enjeu de la fiction puisque nous avion laissé Renton en 1996 s’emparer d’un magot conséquent obtenu par les quatre compères à la suite de la revente d’une grosse quantité de drogue. Trahissant ses amis, ce dernier s’en allait le sourire aux lèvres sur une fameuse envolée finale au son du mythique Born Slippy d’Underworld. Sa voix off qui avait accompagné tout le film se lançait alors dans un monologue en écho à celui de l’ouverture où il décidait de faire tout ce qu’il avait jusqu’ici rejeté, de s’adonner au conformisme : « Je choisis la vie, j’en jubile d’avance, je vais devenir comme vous » concluait-il dans une adresse au spectateur. Qu’en est-il 20 ans plus tard ? Film à la saveur nostalgique, ce Trainspotting 2 est forcément moins audacieux mais réussit néanmoins ces retrouvailles avec punch et recul en se demandant : « Qu’avons-nous fait de nos vies ? ».


« Je deviens clean et j’avance dans le droit chemin » : le vœu pieux de Renton se dévoile dès la première image et ce futur souhaité est un tapis de course dans une salle de sport uniformisée duquel il chute lamentablement ! Le ton est donné par cette sortie de route sportive : le retour à Edimbourg s’impose, trop de choses l’y ramènent. Si lui s’est enfui, les autres n’ont pas bougé d’un iota et n’espéraient plus le retour de l’ami prodigue. Spud, séparé de Gail avec qui il a eu un enfant, sombre dans la dépression et n’a pas complétement lâché la drogue ; Sick Boy est toujours peroxydé et gagne sa vie en faisant du chantage à la sextape ; Begbie n’a rien perdu de son caractère sanguin que la prison tente de canaliser. Mais le temps a bien passé et la folie s’est émoustillée, d’ailleurs, les protagonistes ont perdu leur surnom, ce sera désormais Mark, Simon et Murphy. « Tu es venu faire le touriste dans ta propre vie » lance Simon à Murphy, synthétisant là le principe même du film qui, effectivement, se penche avec une certaine nostalgie assumée sur ces années hallucinées. Que ce soit musicalement avec en leitmotiv la nappe sonore de Born Slippy, à travers de rapides flash-backs et jusque dans la présence des personnages secondaires (Diane, Mikey, joué par Irvine Welsh, l’auteur des deux romans ayant inspiré les films). Les lieux également ont leur importance car ils avaient marqué la vie dissolue du groupe : le pub, tenu à présent par Simon, et la fameuse chambre de Mark (au papier peint ferroviaire) qui nous valut de mémorables et inventives séquences de sevrage. Mais il ne s’agit pas pour autant d’un album aux pages jaunies car le rythme nerveux est toujours là et surtout Danny Boyle fait de cette mémoire un élément constitutif de l’intrigue via le personnage de Murphy qui se découvre un don d’écrivain. Le plus sympathique et touchant du quatuor (interprété par l’excellent Ewen Bremner) ouvre le coffre aux souvenirs et donne une dimension « méta » à leur existence. Du crasseux naît l’ambitieux, à l’image des murs de l’appartement ravagé de Murphy recouvert par la mosaïque des photos et des textes sur leur histoire qui est finalement celle de Trainspotting.


La drogue, qui irriguait le premier film (et les veines des personnages), n’est plus du tout au premier plan d’un opus qui se recentre (à raison) sur une amitié à reconquérir car tous ont souffert du coup de poker de Mark. Une phrase devient à ce propos la rengaine des protagonistes : « D’abord, il y a une opportunité puis vient la trahison ». Simon (Jonny Lee Miller) souhaite faire rester son ancien ami d’enfance pour mieux le faire souffrir : sa rancœur n’a cependant pas la puissance de celle de Begbie (Robert Carlyle) dont la rage n’a d’égal que les coups foireux. S’il y a certes des comptes à régler, cela se passe  « à la façon Trainspotting », ce qui nous offre des séquences particulièrement savoureuses comme le numéro de chant improvisé de Mark et Simon, retrouvant là leur complicité ou encore la poursuite entre Mark et Begbie dans un parking sous terrain au son du Relax du groupe Frankie goes to Hollywood ! Ces survivants des années drogues se confrontent également à la nouvelle génération : leurs propre enfants (la relation que tente de nouer Begbie avec son fils) mais aussi celle d’un monde qui a changé et à qui Mark adressera une version actualisée  de son mémorable et emblématique monologue qui ouvrait et clôturait le premier film. Ce retour en arrière est peut-être un bon en avant salutaire, ce que Danny Boyle exprime avec son talent dans un dernier plan au geste élégant et optimiste. 


01/03/2017    

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